Séminaire EFEO Paris
Lundi 27 mars Cécile Guillaume-Pey (EHESS) intervient sur le thème « Quand la graphophagie remplace les dialogues avec les esprits. Manipulations rituelles de l'écrit chez les Sora (Inde) »
De 11h à 12h30 (entrée libre)
Maison de l'Asie (22 avenue du Président Wilson, 75116 Paris, salon du 1er étage)
Ce séminaire est intégré au séminaire de Master « Asies » (EFEO - EHESS - EPHE) dont le thème est Écriture et oralité
A partir du XVIIIe siècle, parmi des populations colonisées, on relève de nombreuses occurrences de créations de systèmes de signes graphiques dans le cadre de l'émergence de mouvements socio-religieux. C'est le cas chez les Sora, un groupe tribal du centre-est de l'Inde parlant une langue austroasiatique. A la fin des années 1930, un instituteur sora invente un alphabet dont chaque lettre matérialise une divinité et auquel les dévots du mouvement religieux qu'il fonde rendent un culte. L'une des conséquences majeures de la sacralisation de l'écrit est la délégitimation d'un genre oral dont le rôle était jusqu'alors crucial dans les rituels : les dialogues avec les esprits. L'écriture sora est essentiellement utilisée en contexte religieux et la plupart des dévots, qui boivent les caractères alphabétiques sous la forme d'une potion lors des rites, sont incapables de déchiffrer les manuels de prières détenus par des spécialistes religieux qui s'arrogent le monopole de l'écrit. Mais de nos jours, les rituels scripturaires suscitent des frustrations. Certains acteurs s'approprient alors de nouveaux médiums et réinventent des rituels autour de supports que l'écriture avait autrefois évincés afin de pallier les insuffisances des « esprits-lettres ».