Livres et confessions chrétiennes orientales. Histoire connectée entre Empire ottoman, monde slave et Occident (XVIe-XVIIIe siècles)

Livres et confessions chrétiennes orientales

Lieu et date de l'événement :

École française de Rome - piazza Navona 62

Du à 09h30
au à 17h30

Colloque dans le cadre du programme "Églis(s) et schisme"

Argumentaire :
Colloque

Les Églises et communautés chrétiennes orientales connaissent toutes à des degrés divers et selon des temporalités propres des processus semblables de définitions dogmatiques, de renforcement institutionnel, et d’homogénéisation culturelle, dont l’observation alimente le débat sur la « confessionnalisation ». Mais la connaissance des langues, la spécialisation par aires culturelles, voire par confessions, ou encore un cloisonnement par traditions nationales, n’ont pas permis jusqu’alors de connecter ensemble ces différentes aires. Il s’agit désormais d’examiner les circulations entre les espaces et les échanges entre les communautés, selon des modalités complexes, dont la mise à jour permet de sortir d’une problématique réduite à une confrontation Ouest/Est.

Ces journées d’études se concentreront sur les liens entre la production livresque et la définition des confessions chrétiennes. L’introduction de l’imprimerie dans ces différentes aires culturelles provoque des transformations des rapports entre oralité et usages de l’écrit, de la lecture et de l’écriture. L’essor de l’offre imprimée suscite une nouvelle demande, qui entraîne une augmentation de la production manuscrite.

Les lecteurs orientaux sont visés par la propagande catholique et protestante en langues orientales. Dès le XVIe siècle, des chrétiens orientaux collaborent le plus souvent aux ateliers d’imprimeries occidentaux et participent activement aux réseaux de diffusion de ces livres. Sur place, des imprimeries se développent soutenues financièrement par des autorités civiles et/ou ecclésiastiques, souvent motivées par un projet politique ou religieux. Un centre, comme Iaşi en Moldavie, édite grâce au soutien des voïvodes d’importants livres en grec et en arabe qui circulent largement. Les pouvoirs politiques et religieux peuvent redouter également certains ouvrages, décidant leur censure voire leur destruction.

Les genres sont variés : ouvrages de piété, hagiographies, catéchismes, Écritures, historiographie, éditions de textes scientifiques, traités de théologie etc. Ils peuvent être révélateurs des méthodes humanistes, de l’ « invention » de traditions, des aspirations à la réforme, des dynamiques d’uniformisation, des processus de disciplinement et des controverses au cours desquelles s’inventent les identités confessionnelles. Dans cette perspective, l’étude du livre liturgique est centrale : alors que Rome ambitionne de fournir des rituels « corrigés » aux Orientaux, les imprimés grecs vénitiens connaissent une large diffusion et inspirent divers projets de réforme de Moscou à Alep à partir du XVIIe siècle. L’usage de telle édition ou tel manuscrit pose aussi la question de la concurrence entre les rites des Orientaux unis et les Typika orthodoxes.

L’étude des bibliothèques, notamment monastiques, est une clé d’entrée pour analyser les choix qui président au rassemblement d’une collection et les usages des livres, en particulier l’enseignement.

De nombreux ouvrages produits et diffusés sont des traductions (ou des adaptations), dont on ne peut faire l’économie de l’étude, en s’intéressant aux traducteurs, aux intentions des commanditaires, à l’adaptation des textes. L’examen de l’objet-livre, notamment son format, fournit des renseignements sur les intentions du commanditaire, le savoir-faire du fabricant, et le public visé. Le choix des langues touche aussi aux sentiments d’appartenances confessionnelles, par la réflexion sur une langue de référence ou par l’articulation entre une langue « sacrée » et une langue vernaculaire (slavon/grec ou roumain etc., syriaque/arabe, grec/arabe, grec « vulgaire » démotique / grec antique ou liturgique, arabe dialectal / littéral etc. ; choix d’une autre écriture telle le syriaque pour écrire l’arabe dit « garshuni » etc.). Un nouveau savoir linguistique (grammaires, dictionnaires, manuels etc.) est lié aux « réformes » des Églises.

L’arc chronologique inclut le XIXe siècle, une période de mutations politiques et religieuses profondes à l’âge des nationalismes. La production livresque connaît une croissance exponentielle et la part du livre non religieux s’accroît considérablement. L’enseignement se développe dans un contexte de concurrence scolaire. Dès lors quel rôle tient le livre dans la confessionnalisation ?

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Thomas Allom «Greek Church of St Theodore, Pergamus, Asia Minor», gravure coloriée tirée du livre de Robert Walsh et Thomas Allom, Constantinople and the Scenery of the Seven Churches of Asia Minor illustrated, Londres, Paris, 1836-38, II, p. 31 (détail).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

At different stages and after proper temporalities, Churches and eastern Christian communities went through similar processes of dogmatic definitions, institutional strengthening and cultural homogenization. The observation of these processes nourishes the debates around the notion of “confessionalization”. However, the knowledge of the languages, the specialisation by cultural areas and by religious confessions, as much as the compartmentalization by national traditions, have not facilitated the connection of these different areas. It is time to examine the circulations between spaces and the exchanges between communities that take complex forms going far beyond a simple confrontation West/East.

This conference will focus on the links between the text production of the period and the definitions of Christian faiths. The introduction of printing in these different cultural areas triggered changes in the relationships between oral expression and uses of writing as well as between reading and writing. The development of printed documents created new needs, which in turn favored a growth in handwritten documents.

Eastern readers are aimed at by the Catholic and Protestant propaganda in oriental languages. As early as the 16th century, eastern Christians often worked with western printing shops and took an active part in organizing the supply networks for the books. Printing shops developed in the eastern world, with the financial support of local governments and ecclesiastical authorities often driven by a political or religious project. For example, the city of Iasi in the Moldavia publishes, thanks to voivodes, major books in Greek and in Arabic which are largely distributed. Political and religious powers sometimes feared other books, and ordered their censorship or even destruction.

There existed different kinds of books, such as devotion, hagiographies, catechisms, Scriptures, historiography, scientific or theology texts, etc. They all illustrate humanist methoæds, the «invention» of traditions, the yearning for reform, the dynamics of standardization, the discipline processes and controversies leading to the processes of definition of denominational identities. In this regard, the study of the liturgical book is essential: while Rome sought to provide “corrected” rituals to Easterners, Venetian Greek texts were widely read and inspired different reform projects, from Moscow to Aleppo from the 17th century on. The use of any specific edition or manuscript text raises the subject of the competition between the rites of eastern Christians united to Rome and orthodox Typika.

The study of libraries, especially those of monasteries, is a good way to start analyzing the choices leading to the gathering of a collection and the uses of books, in particular teaching.

A large number of books written and circulated are translations (or adaptations), which must be studied, focusing on the translators, the backers' intentions and the adaptation of the texts. The study of the book itself particularly its format, provides information about the backer/sponsor's intentions, the printerskills, and the targeted readers. The choice of languages also reveals the sense of religious affiliation, by the decision made to use a reference language or both a « sacred » and a vernacular language (Slavonic / Greek or Romanian, Syriac / Arabic, Greek / Arabic, Demotic « vulgar » Greek / Ancient or liturgical Greek, dialectical / literal Arabic, etc. ; the choice of a different alphabet such as Syriac to write garshuni arabic etc.). A new linguistic knowledge (grammars, dictionaries, books...) is related to the ecclesiastical reforms.

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Organisateurs :

Colloque sous l’égide de l’École française de Rome,
de l’École française d’Athènes,
du Centre d'études et de recherche en histoire culturelle (Université de Reims Champagne-Ardenne),
du laboratoire Orient-Méditerranée (CNRS, Paris),
du Centre d'Études en Sciences Sociales du Religieux (EHESS),
et de l’École Pratique des Hautes Études (Paris).